L’alarmant rapport du GIEC sur l’épuisement des sols

par | 31 Août 2019 | Actualités, Numéro 4

Comme tous les bons rapports du GIEC (le groupe intergouvernemental d’experts sur le climat), celui paru le 8 août a un nom à rallonge – « Rapport spécial du GIEC sur le changement climatique, la désertification, la dégradation des terres, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire, et les flux de gaz à effets de serre dans les écosystèmes terrestres » – décliné sur des centaines de pages – 1 200 – pour autant de chapitres, de parties et de sous-parties. Ce rapport s’inscrit dans un triptyque spécial (un rapport qui porte sur les solutions pour maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 °C, ce rapport, et un dossier sur les océans) que le GIEC, au vu de l’urgence, a voulu faire paraître avant le sixième rapport d’évaluation, qui devrait être dévoilé en 2022.

« Les terres fournissent les principales bases pour la vie humaine et son confort (nourriture, eau, biodiversité). L’homme utilise directement 70 % des terres émergées non-gelées », que ce soit pour l’agriculture (12 %), l’élevage (37 %), et la sylviculture (22 %). Et bien sûr, pas de manière très durable : un quart des terres est déjà dégradé par l’homme.

L’érosion des sols, due au labour, entraîne une diminution du rendement des terres arables. Autre problème majeur : la désertification, phénomène qui touche aujourd’hui 500 millions d’humains, principalement en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie du Sud et de l’Est.

Les terres subissent de plein fouet le réchauffement. Les températures moyennes y ont grimpées de 1,53 °C par rapport aux niveaux préindustriels, soit deux fois plus que la moyenne mondiale. Les vagues de chaleur et les phénomènes météorologiques extrêmes qui accompagnent cette montée du thermomètre entraînent une hausse « des risques sur les moyens de subsistance, la biodiversité, la santé humaine et celle des écosystèmes, les infrastructures et la sécurité alimentaire ».

L’exploitation que l’homme fait des sols produit une part importante des gaz à effet de serre (GES). Le GIEC estime que l’agriculture, la sylviculture et les autres usages des sols sont responsables de 13 % des émissions de CO2, 44 % des émissions de méthane − un gaz produit lors de la digestion chez les ruminants, et qui a un effet 34 fois plus important que le CO2 −, et de 52 % des émissions de protoxyde d’azote − à l’effet de serre 298 fois plus puissant que le CO2 −, soit au total, 23 % des émissions de GES mondiales. Pour autant, les sols sont aussi un puits naturel de carbone : ils absorbent 30 % des gaz à effets de serre produits par l’homme. Cette capacité d’absorption risque de diminuer avec le dérèglement climatique et la dégradation des sols, créant un cercle vicieux où l’augmentation des émissions des GES n’est plus compensée par les puits naturels de ces gaz.

L’épuisement des sols par l’Homme, et les conséquences du dérèglement climatique (feux de forêts comme il s’en déroule actuellement en Sibérie ou en Amazonie, sécheresses et désertification, perte de végétation,érosion des sols) va entraîner, pour un réchauffement limité à 1,5 °C (limite que fixe l’accord de Paris), des risques modérés pour les milieux de vie, pour la sécurité alimentaire, pour la santé humaine et celle des écosystèmes et pour les infrastructures. Pour un réchauffement au-dessus de 3 °C, ces risques seront très élevés, et toucheront jusqu’à des centaines des millions d’humains.

Le GIEC avance aussi, dans son rapport, des solutions pour une gestion plus durable des sols. Si les bioénergies et les cultures qui sont destinées à stocker du CO2 dans les sols, peuvent apparaître comme des bonnes solutions, à trop grande échelle, elles ne permettent pas de satisfaire de besoins alimentaires et renforcent la pression sur les sols. Le GIEC se tourne donc plus vers la reforestation et l’agroforesterie (un système dans lequel les arbres sont associés à la culture ou à l’élevage), qui permet à la fois l’augmentation de la capacité des sols à stocker le carbone et des rendements élevés, tout cela à bas coût. La diversification des cultures, qui permet une meilleure adaptation aux phénomènes météorologiques extrêmes, la restauration écosystèmes disparus ou en voie de disparition, mieux gérer l’eau destinée à l’agriculture, transformer des prairies en terres arables sont  aussi mis en avant dans le rapport. Mais le GIEC rappelle aussi un fait très important : « Depuis 1961 […], l’offre d’huiles végétales et de viande par personne a plus que doublée, et l’offre en calories par personne a augmenté d’environ un tiers. » C’est-à-dire qu’on mange plus, et plus de viande. Problème : « Ces facteurs sont associés à des émissions additionnelles de GES. […] Ces changements de modes de consommation ont contribué à ce qu’environ deux milliards d’adultes soient actuellement obèses ou en surpoids ». Pour ces raisons, et d’autant plus que le secteur de l’alimentation émet 30 % des GES présents dans l’atmosphère, transformer notre système alimentaire est essentiel. Pour cela, il faut diminuer le gaspillage, qui fait perdre 30 % de la production mondiale de nourriture, et changer de mode de consommation, en réduisant notre consommation de viande, au profit de mets moins coûteux en eau et en surface, comme les céréales et les légumineuses.

Dernière réponse, indispensable elle aussi : réduire drastiquement nos émissions de GES pour limiter les effets du dérèglement climatique.

C’est tout autant de solutions qu’il faut joindre, urgemment, pour atténuer la dégradation des sols et permettre de nourrir l’Humanité, qui, en 2050, dépassera les 10 milliards d’humains.

Hadrien